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La dynastie Sui

Lorsque le puissant général Yang Jian des Zhou du Nord défait le déclinant Royaume des Qi du Nord en 577, la Chine du Nord se trouve dans un moment clef d'avantage militaire face à la Chine du Sud. Les dynasties du Sud, alors humainement moins puissantes que la Chine du Nord (Henan, Hebei, etc.), avaient perdu tout espoir de réunifier la Chine sous leur nom, tandis qu'une large conquête du Sud par le Nord ne fut annulée que du fait d'une guerre civile au Nord (523-534).

La dynastie Sui se dessine lorsque la fille du puissant Yang Jian devient impératrice douairière des Zhou du Nord, avec son beau-fils occupant le trône. Après avoir écrasé une insurrection militaire dans les provinces orientales, le premier ministre des Zhou, Yang Jian, dépose l'empereur-enfant et s'intronise empereur Wendi des Sui. Lors de la purge associée, Wendi fait exécuter pas moins de 59 princes de la maison royale des Zhou tandis qu'il parvient, par ses vertus confucianistes, à être finalement nommé, à titre posthume, « l'Empereur cultivé » (581- 604 AD). À contrepied de certaines volontés de l'élite pro-Xianbei du Nord-Est, il abolit les dernières politiques anti-Han des Zhou, et réimpose la domination de son nom de famille chinois « Yang » dans un effort clair de sinisation de son gouvernement. Gagnant par de telles mesures le soutien de l'élite confucianiste ayant soutenu et fait vivre les précédentes dynasties chinoises et abandonnant le népotisme et la corruption systématique du système, Wendi est à l'origine d'une série de réformes radicales dans le but de renforcer son empire afin de faciliter la réunification prévue.

Pour sa campagne militaire face l'Empire Chen (Sud de la Chine), Wendi rassemble des milliers de navires afin de vaincre les forces navales de la dynastie Chen sur le Yangtze. Dans cette campagne, il emploie comme par le passé les efficaces soldats et cavaliers Xianbei ainsi que des soldats d'origine plus chinoise, mais aussi des populations du Sichuan qu'il vient de soumettre.

En 588, Sui Wendi (en photo) amasse 518 000 soldats le long des berges Nord du Yangtze, du Sichuan à l'océan pacifique, tandis que des agitateurs sont envoyés dans l'« empire » chinois des Chen, faisant de l'empereur des Chen un débauché luxurieux afin d'affaiblir la fidélité des militaires et du peuple. Aussi, le Royaume Chen est déjà en train de s'émietter et ne peut résister à l'assaut Sui. En 589, les troupes Sui entrent à Jiankang (actuelle Nankin) tandis que Chen Shubao (Chén Shúbǎo, ou Empereur Hòuzhǔ des Chén), le dernier empereur Chen, se rend. La cité est rasée tandis que les troupes Sui escortent la noblesse Chen vers le nord, où les nobles aristocrates du Nord s'émerveillent fascinés par les subtilités intellectuelles et artistiques du Sud plus purement chinois.

Aussi, bien que Wendi soit fameux pour la vampirisation systématique et totale du budget de l'État par ses guerres et grands travaux, son règne accumule les victoires et les améliorations infrastructurelles majeures. Il s'emploie par exemple à une construction systématique de greniers à grain afin de stocker les surplus du moment, d'éviter le pourrissement ou le gaspillage des grains, et de réguler les prix du marché, tout comme l'avait fait plus tôt la dynastie Han.

Sui Yangdi monte sur le trône suite à la mort de son père) en 604. Il poursuit l'extension de l'Empire, mais, à la différence de son père, il ne recherche plus l'appui de l'aristocratie Sino-Xianbei nomade. Au contraire, il restaure l'éducation confucianiste et le système de sélection des serviteurs civils par le biais d'examen impériaux basés sur le corpus confucianiste. En supportant ces réformes, il gagne le support des élites chinoises du Sud, mais perd les faveurs des puissants nomades du nord. Il lance également de nombreux projets tout aussi monumentaux que coûteux, tel que le décisif Grand Canal de Chine. Combinées avec ses désastreuses invasions en Corée (avec une perte totale d'environs 2 millions d'hommes !), les invasions des tribus nomades turques au nord, sa marche personnelle vers une vie de plus en plus luxueuse et luxurieuse aux dépens de la paysannerie, il perd le soutien du peuple, et est bientôt assassiné par ses propres ministres.

Wendi et Yangdi envoient tous deux des expéditions militaires vers l'actuel Vietnam, souhaitant ainsi suivre les pas de dynastie Han (202 BC - 220 AD) qui avait vaincu et intégré la région Nord-Vietnam à l'empire 600 ans plutôt. Cependant, le Royaume de Champa du Vietnam du Sud s'oppose vigoureusement à l'invasion chinoise (ce qui le fait marcher vers le nord avec l'excuse d'être là pour affronter les Chinois). Cette invasion chinoise est aujourd'hui connue sous le nom de la campagne Linyi-Champa (602-605 AD). Selon Ebrey, Walthall, et Palais :

« La région de Hanoï (que les dynasties Han et les Jin avaient contrôlée) fut facilement reprise des petits gouvernements locaux dès 602, et quelques années plus tard, la dynastie Sui fut poussée plus au Sud. L'armée Sui est alors attaquée par des troupes disposant d'éléphants de guerre provenant du Royaume de Champa (au sud du Vietnam). Les troupes Sui feignent une retraite et creusent des pièges pour se débarrasser des éléphants. L'armée Sui encourage les troupes Champan à attaquer, puis fait usage d'arbalètes contre les éléphants, leur faisant faire demi-tour et piétiner leur propre armée. Bien que les troupes Sui furent victorieuses, de nombreux soldats succombent de maladies, les soldats Sui venant du nord n'ayant pas d'immunité contre les maladies tropicales tel que le paludisme. »

Assurément, le principal facteur ayant mené à la chute des Sui est la série de larges campagnes militaires contre la péninsule Coréenne dans le but de soumettre l'État semi-barbare de Goguryeo, l'un des Trois Royaumes de Corée. L'expédition conscrit le plus grand nombre de soldats jamais menés par Sui Yangdi. L'armée était si importante que les sources de l'époque annonçaient qu'il nécessita 30 jours pour que l'ensemble de l'armée quitte son dernier point de ralliement près de Shanhaiguan, juste avant les territoires coréens. Il est fait mention de 3 000 navires de guerres, 1,12 million de fantassins, 50 000 cavaliers, 5 000 pièces d’artillerie, etc., comportant les soldats payés et les conscrits (nourris, logés, devenant soldats en échange d'avantages pour leurs foyers). Il y avait tout pour le soutien logistique (nourriture, réparations, etc.), avec un exorbitant budget afin de fournir les immenses quantités d'équipement et de rations nécessaires aux armées (la plupart n'arrivant jamais à l'avant-garde chinoise, étant interceptées par des troupes très informées de Koguryŏ). L'armée s'étend sur "1000 lis (soit environ 410 km, traversant rivières et vallées, montagnes et collines."

Dans chacune des quatre campagnes majeures, la marche militaire finit en cuisants échecs. La quasi-totalité des offensives furent défaites par l'extraordinaire Général Eulji Mundeok de Goguryeo, depuis érigé au rang de meilleur stratège de l'histoire de la Corée. Lors d'une expédition composée de 305 000 soldats chinois, seuls 2 700 rentrent en Chine selon le Livre des Tang, puisque nombreux étaient morts de faim et de froid face aux rudes hivers de Mandchourie et de Goguryeo.

Finalement, le mécontentement face à l'empereur et les guerres, révoltes populaires, trahisons d'officiers majeurs et assassinats mènent à la chute de la dynastie Sui. Ses accomplissements restent la reconstruction-expansion de la Grande Muraille qui, avec les autres grands projets, étouffent l'économie de l'Empire et mène à la révolte les forces humaines impliquées. Durant les dernières années de la dynastie Sui, les rébellions demandent encore de nouvelles levées d'hommes valides pourtant nécessaires au travail agricole et aux autres besoins locaux des communautés rurales, affaiblissant encore davantage la population rurale et son économie. Par peur d'être envoyés vers Goguryeo ou face aux troupes rebelles, les hommes valides se briseront volontairement un membre dans le but d'éviter la conscription militaire, bientôt surnommée pratique de la "patte de bonne augure" ou de « pied chanceux ». Plus tard, en 642, l'Empereur Taizong des Tang devra émettre un décret annonçant des peines plus sévères dans le but d'éradiquer la pratique des mutilations délibérées.

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